Sur les murs blancs trônent, telles des cariatides, les portraits en pied d'une dizaine de femmes indiennes, lointaines descendantes des Arawaks. Anabell Guerrero, pour sa deuxième exposition chez la galeriste Lina Davidov, a choisi cette série présentée en mars dernier à la galerie du Château d'Eau, à Toulouse. Jouant avec les cadrages serrés, elle y a systématisé ses prises de vue en polyptyques et révélé par clichés successifs (visages, mains, vêtements...) ses modèles aux silhouettes allongées sur 2,40 mètres de hauteur, vision fragmentée de celles qui tentent de maintenir la cohésion au sein de leur communauté. Habitant la péninsule de la Guajira, partagée entre le Venezuela et la Colombie, ces peuplades autrefois nomades ont, depuis deux décennies, subi une accélération effrénée de leur acculturation. Coincés entre la dévorante capitale régionale, Maracaïbo, où modernité et chômage s'activent en broyeuses impitoyables, et les menaces que représentent les narcotrafiquants voisins, ces clans de villageois doivent leur homogénéité aux femmes, qui refusent de voir mourir leur dialecte, le wayú, vecteur d'une riche culture faite de poésie onirique, de littérature, de musiques traditionnelles jouées sur des instruments étranges. Anabell Guerrero a approché ces femmes pendant deux ans lors de divers séjours, en marge de toute vision ethnologique, afin de retranscrire leur humanité intense et déterminée. Libérées du moindre arrière-plan dans leurs amples robes bigarrées, elles
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