Le gel du Saint Laurent a secoué le choeur des pleureuses, toujours insomniaque et prêt à gémir dans cet hexagonal musée des regrets et des dépressions qu'est la France. Avant l'empaillage audiovisuel, la sortie de presse du couturier de haute fêlure fut un modèle de deuil organisé et de déception culturelle. Soudain, le goût s'enterre vivant. Son prince-et-poète lit sa rimbaldienne oraison, entouré d'une garde de girafes chic et fripées. Touchantes, elles broutent avec mélancolie les dernières feuilles sur l'arbre de sa notoriété. Elles rappellent la fin du Temps retrouvé, quand le narrateur débusque, sous les rides des convives, les fantômes de sa jeunesse. La scène sent la vieille semelle de vent. Minc le rongeur est là, embusqué dans l'empreinte, mais où n'est-il pas? Et l'on se dit, revenant de Chine, que YSL, plutôt que d'oindre sa sortie dans un pays aux coutures trop étroites, devrait tout recommencer là-bas, dans l'une de ces zones économiques spéciales où toute idée de goût est à forger. Il devrait vendre ou solder, comme écrivait Rimbaud son génie aux dragons chinois. De Hong-kong à Canton, sur une centaine de kilomètres, ce n'est qu'un immense chantier de bâtiments, de parcs de jeux, de lotissements démesurés. Ce n'est qu'appétit et mouvement, table rase et géants de jardin, élévation et circulation. La vue se perd dans l'énergie, les travaux et les colonnades. Les coutures pètent sous les muscles du désir et la graisse vite attrapée. Le goût se dissout dans
Les tribulations d'YSL
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par Philippe Lançon
publié le 18 janvier 2002 à 21h44
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