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Libération
Critique

Mémoires d'autres tombes

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publié le 18 janvier 2002 à 21h43

«Je devais partir, peu importait dans quelle direction (...).» Comme chassé par quelque funeste oracle, le narrateur quitte San Francisco. Où fuir ? Au sud, «où l'océan ne cessait d'avancer» ? Hawaï, le Canada ? Il atterrit à Las Vegas, où il vomit dans une piscine ses margaritas et la rancoeur du souvenir : «Je rends tous les repas que Painter Ben a préparés, et les mains que Megan ne m'a jamais laissé embrasser (...).» «Le spectre du magnétisme» le ramène inéluctablement vers la pensée de sa ville et de ses amis : l'apathique Martin, Ken et ses amours japonaises, la Reine des Menottes, les bars à putes, Elaine Suicide au corps «léger, beau, parfait», Elaine Suicide et sa détresse. Voilà pour les récits. Viennent ensuite les épitaphes, qui célèbrent la mort de quelqu'un ou de quelque chose. La déconfiture se décline de diverses façons et à divers endroits. On retrouve Ken en Thaïlande. Il y a aussi le cauchemar de quelques guerres : le Viêt-nam, l'Afghanistan. Une «épitaphe pour le président John F. Kennedy». Le roman de Vollmann est composé à la manière d'un monstrueux collage d'angoisses et de remords. Chez cet auteur américain né en 1959, l'écriture, telle l'aiguille d'une boussole qui aurait perdu le nord, s'affole. Et la phrase donne parfois le sentiment d'un vertige sans fin. «Mais, comme le suggère Vollmann, ne serait-il pas agréable de pouvoir abolir les fins pour y substituer d'autres versions, si le récit, la vie étaient un exercice isométrique dont l'objectif ne