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Libération
Reportage

Retrouver son latin sur le pont du Gard

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Sans les foules estivales et grâce à des aménage-ments intelligents, l'aqueduc romain raconte des histoires d'eau et de bâtisseurs.
publié le 18 janvier 2002 à 21h43

Pont du Gard envoyé spécial

Le geste le plus propitiatoire est de caresser la cicatrice de quelques noms tatoués dans la chair de la pierre. Qui était Pierre Fauche («dit le Poitevin») qui a précisé à la suite de son patronyme qu'il était «le premier...» (mais de quoi?). Pichardou et Libournet étaient-ils un seul homme, un couple d'amoureux ou deux compagnons bâtisseurs qui, en 1843, ont voulu graver à jamais leur visite au «grand antique»? Sur le pont du Gard, l'imagination danse, sans cesse piquée par l'exaltation de quelques prédécesseurs fameux: Prosper Mérimée qui, inspecteur des Monuments historiques nommé par Louis Philippe, fit classer le pont en 1840 comme «monument majeur». Ou Stendhal qui dans ses Mémoires d'un touriste écrivait en 1838: «L'âme est laissée tout entière à elle-même et l'attention est ramenée forcément à cet ouvrage du peuple-roi qu'on a sous les yeux. Ce monument doit agir, ce me semble, comme une musique sublime, c'est un événement pour quelques coeurs d'élite, les autres rêvent à l'argent qu'il a dû coûter.»

Pourtant ce pont, par l'école, on s'en souvient autrement: aqueduc du milieu du Ier siècle, 48 mètres de haut, 275 mètres de long, sur trois rangées d'arcades. Un travail de Romains qu'on rangeait gentiment entre un chromo du Mont-Saint-Michel et une vue de la Tour Eiffel en construction. Mais aucun manuel ne nous avait jamais fredonné les aventures de ses ocres (du mandarine au lever jusqu'à la sanguine au couchant), ni raconté la poésie de so