Les analyses de Michel Foucault, auxquelles vous n'avez jamais cessé de faire référence, disent-elles encore ce que sont le pouvoir et la société aujourd'hui ?
Les analyses de Foucault sur le pouvoir sont parfaitement opératoires aujourd'hui. Je ne lis pas tant Surveiller et punir, contrairement à ce qu'on fait le plus souvent, comme un livre de sociologie que comme une ontologie du présent. Après 68, Foucault dit : l'actualité de notre expérience est une expérience du pouvoir. Ce qui implique, entre autres, que la question de l'Etat n'est plus la question pertinente et que nous quittons une actualité politique dominée par le thème de la Révolution. Voilà le problème que Foucault inscrit sur nos agendas : comment penser politique et morale après la Révolution ?
Mais l'effacement de la question d'Etat, est-ce seulement le passage d'une conception pyramidale du pouvoir à un pouvoir diffus, qui «saisit» tous les aspects de l'individualité ?
Le pouvoir d'Etat n'intéresse plus guère que les professionnels de la politique, alors que se produit une véritable effervescence autour des relations de pouvoir telles qu'elles s'exercent dans la vie des individus : dans les relations au travail, entre hommes et femmes, dans la famille, à l'école. Regardez ce que font chaque jour les juges de la responsabilité : ils en réorganisent l'économie autour de l'exercice du pouvoir et du problème des asymétries. Voyez aussi comment se modifie le rapport du médecin au malade, ce qui se joue autour du harcèlement moral dans l'entreprise... Toutes ces relations font désormais l'objet d'une élaboration juridique intense, surprenante, parfois désarçonnante. Jusqu'à présent, on affirmait qu'une responsabilité se juge en termes de faute, parce qu'une compétence technique n'a pas été correctement exercée. Désormais, on est sensible à ce que