Menu
Libération

L'homme Prada

Article réservé aux abonnés
publié le 25 janvier 2002 à 21h48

Deux événements de mode s'éclairent l'un l'autre en ce début d'année. A Paris, Yves Saint Laurent lançait mardi soir à Beaubourg son bouquet final au pied d'un mausolée de tissu. A New York, deux mois plus tôt, la couturière Prada ouvrait en grande pompe ses trois magasins new-yorkais pensés par son nouveau porte-fringues, l'architecte Rem Koolhaas. A Paris, on célèbre en l'enterrant le dandysme: le culte par l'individu de la beauté à un seul exemplaire. A New York, on célèbre en le designant le consumérisme: le culte, distingué et mis en scène, du client par lui-même. Koolhaas prépare aussi le site Internet de Prada. Avec elle, il a publié sur leur aventure un livre d'autosatisfaction à 88,88 euros. L'ouvrage est un petit monument d'esbroufe et de mots fumeux, mais il permet de comprendre et de voir, en images tirées de vidéo, sous le glacis chic de la surveillance, le sens de ces boutiques. Ce sont de petits temples transparents dont le client est roi. L'entrée par un grand escalier de bois clair, la disposition des étages, l'obsession de l'espace mis à nu, fait de chaque visiteur le nombril chic d'un monde dont Prada est l'organisateur et le contrôleur. Le livre évoque d'ailleurs «l'armée Prada» des employés, tous en noir, et même leurs confessions. Du second degré, bien sûr, on est si fin chez ces gens-là, mais enfin, c'est dit quand même: l'achat devient un acte militaire et religieux. Le plus saisissant est la cabine d'essayage: le client y contrôle tout. Il n'a plus b