Cecilia Vasquez est argentine. Comme tous ses compatriotes, elle vit et assume les silences de son peuple. Le silence du passé dans un pays d'immigrants qui, peu à peu, a gommé l'histoire de ses métissages. Le silence du présent, où les non-dits de l'après-dictature n'ont jamais été digérés. Le silence du futur enfin, où, dans une situation qui s'enlise dans le chaos, personne n'envisage d'autre avenir que sous forme d'un nouvel exil. Son travail documentaire en ligne s'attache à cette mémoire qui n'en finit plus de se perdre.
Photos jaunies. Depuis plus d'un an, Cecilia Vasquez a interrogé des gens dont la banalité, la normalité vient nourrir une histoire collective quasi inexistante. «Aujourd'hui, il y a neuf entretiens sur le site. Chacun a duré plusieurs heures et j'en ai gardé le maximum. Ils racontent leurs origines, leurs souvenirs, l'exil tel qu'il a été vécu par leurs parents ou leurs aïeux.» Comme cette femme aux origines italiennes qui ne garde trace du passé que grâce à une poignée de photos jaunies ou comme ce Français, cuisinier sur un bateau, et qui, fuyant le fisc, a fini par échouer dans un grand hôtel de Buenos Aires.
Grâce à un système de navigation subtil, permettant de choisir le récit linéaire de chacun, d'entrer par un mot-clé ou par un système aléatoire de narration, le visiteur accède à une intimité peuplée de petites histoires qui, par morceaux dérisoires et emblématiques, donnent une dimension parfois poignante de la réalité. «Ces témoignages viennen