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Libération

Sunset boulevard

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publié le 8 février 2002 à 22h08

Les chaussées de la ville sont remplies de meurtrières. Ces meurtrières ne sont pas n'importe qui: ce sont des stars. Des stars célèbres, françaises, qui rappellent d'autres stars célèbres, hollywoodiennes ou autres; qui semblent habitées par leurs fantômes; qui les bégaient. Des stars à deux coups et au second degré. Elles jouent dans Huit femmes, le nouveau film de François Ozon, un Cluedo kitsch et régressif où circule, avec l'arme du crime et l'ombre de l'assassine, la nostalgie joyeuse et perverse d'un enfant des salles sombres: le réalisateur. Un homme est mort. Huit femmes étaient là. Qui est coupable? On s'en fout. On masturbe l'image des actrices, ces animaux mythologiques et familiers, en leur arrachant un peu les ailes. Elles occupent donc le boulevard, sur des affiches, une tous les vingt mètres. Elles l'occupent en leurs noms propres, comme si les rôles qu'elles interprètent n'existaient pas. Et, de fait, ils n'ont aucune importance. Ils ne sont là que pour habiller ces actrices: pour les interpréter. Sur la première affiche, on lit: «Catherine Deneuve est-elle coupable?»; sur la seconde: «Fanny Ardant est-elle coupable?»; sur une troisième: «Isabelle Huppert est-elle coupable?», etc., jusqu'à la huitième. Même les actrices méconnues semblent soudain célèbres. Ozon met en scène l'ambiguïté fascinée que beaucoup de spectateurs manifestent après un siècle de cinéma et cinquante ans de télé. Qu'admire-t-on chez l'acteur: l'idée qu'on se fait de lui? Ses rôles succe