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Libération
Critique

Lettres à Victor

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publié le 4 mars 2002 à 22h29

«J'ai tant de baisers, tant d'étreintes, tant de cris inarticulés plus éloquents et plus expressifs que des mots les uns au bout des autres à te donner, oui, mon cher petit Toto. Au lieu de gribouiller de l'amour cul par-dessus tête dans mon encrier, j'aimerais mieux me trifouiller pêle-mêle avec vous.» Des mots comme ceux-là, jetés bout à bout, la belle Juliette Drouet en écrivait à son Victor adoré chaque matin que dieu Cupidon faisait. Souvent, elle commençait par «bonjour», demandant au grand monsieur, Hugo, s'il avait bien dormi: «Cher petit homme, ta petite Cosette n'a pas fait trop de bruit dans ton cerveau cette nuit?» Cela dura cinquante ans, jusqu'à la mort de l'héroïne en 1883: au total, 20 000 tendres missives. Cela avait commencé en 1833, un certain 16 février, où ils se rencontrèrent du côté de la Comédie-Française. Chaque année, le poète et son illégitime et suave moitié célébraient la date. Les billets doux qu'elle qualifiait de «restitus» sont conservés à la BNF. Juliette, qui aurait dû jouer la reine dans Ruy Blas, renonça à sa carrière d'actrice, tant Adèle, la légitime épouse, fut jalouse...

Depuis 1989, l'actrice Anne de Broca propose, à cette date fétiche, en un rituel et revival d'amour fou, un spectacle où elle égrène des pans de ces lettres (décalé au 4 mars cette année). Dans 169 Ans déjà mon amour!, elle réveille une flamme, rendant à Juliette une présence au théâtre, un peu de ce qu'elle sacrifia pour cause de passion. Même si V.H. se prétendait fa