Menu
Libération
Critique

Mémoires juives

Article réservé aux abonnés
publié le 6 mars 2002 à 22h30

Ce documentaire allemand de 1999 prend place à Tchernovtsy, en Ukraine. A deux doigts de la frontière roumaine: une zone de passage à tous les sens du terme. Tchernovtsy fut tour à tour autrichienne, roumaine, occupée par les Russes lors du pacte germano-soviétique, puis par les Roumains avec leurs alliés nazis, réintégrée dans l'URSS après 1945 et, n'en jetez plus, désormais province de la République d'Ukraine. Cette histoire mouvementée en cache une autre, tout aussi tragique. Tchernovtsy, que ses habitants appellent Bucovine, fut un centre de la culture juive d'Europe centrale. Entre Hitler et Staline, cette culture et ses représentants ont été particulièrement saccagés. Monsieur Zwilling (70 ans), professeur de chimie, et madame Zuckermann (90 ans), professeur d'anglais, en sont deux survivants. Chaque fin d'après-midi, avec une exactitude qui tente de contrarier leur destin, ils se retrouvent pour se donner des nouvelles de la journée, regarder la télé, lire le journal, et surtout croiser le fer de leurs deux conceptions du monde antipodiques. Monsieur Zwilling est un pessimiste, madame Zuckermann une inguérissable optimiste. Dialogues savoureux. Lui: «Qui peut dire ce qui va arriver?» Elle: «Il n'y aura jamais plus un Hitler ni un Staline.» Lui: «Oui, mais on aura sûrement un rude hiver.» Le fameux humour juif n'est pas une légende. Et l'athéisme de madame Zuckermann, fan de Paul Celan, d'une fermeté impressionnante. Elle parle des juifs croyants: «Dieu les a trahis en