Agenouillés, les bras plongés jusqu'aux coudes dans le grand tas de fripes, ils fouillent, poussent un chemisier imprimé Liberty, extraient un foulard léopard, puis un gros pull en laine, un manteau de fourrure. «De ces tissus vieux et fatigués, il faut essayer de tirer quelque chose de frais et nouveau», jubilent de jeunes stylistes. Plantés dans le hall du palais de Tokyo, trois piqueuses et une surjeteuse, un cageot à chaussures. Une coloriste associe un velours vert et une fourrure bleue. Karim, la trentaine, en recherche d'emploi et de papiers, fait une queue-de-pie d'une veste dont il manque un pan. Et Bernadette, jeune mère camerounaise qui vit «chez les soeurs», vient de trouver le bustier improvisé de sa superbe robe de satin blanc et mauve : un maillot de bain synthétique rose.
Recréation, réinsertion. Les visiteurs du centre d'art contemporain demandent, désorientés : «On est bien au palais de Tokyo ?» Une femme s'étonne devant les créations polymorphes et déstructurées suspendues aux portants : salopette de gamin transformée en sac à main, toilette à faux cul juxtaposant rayures, poids et fourrure... «Mais c'est quoi le but ?» «Le but, c'est d'associer stylistes et exclus dans la recréation de vêtements tirés des stocks du Secours populaire : de la mamie seule mais experte en couture à l'étudiante bourrée d'imagination mais pas au point techniquement... Les pièces seront présentées et vendues au musée Galliera au profit de l'organisation caritative. Mais l'opérati