Les ronds de serviette, alignés dans un rayonnage hors d'âge, attendent les habitués. L'escalier en colimaçon, qu'empruntent les clients d'un pas assuré, munis de la bouteille de pinard que le patron, de l'autre côté du comptoir, n'a pas manqué de leur tendre au passage, mène au ciel. Celui d'un restaurant populaire comme il n'en existe pratiquement plus à Paris, ou en France du reste. Car le véritable responsable de l'omniprésence des McDo, ce n'est pas l'impérialisme américain qui en hérisse tant, c'est le patron de bistrot dans toute sa splendeur. C'est lui qui a creusé sa propre tombe. Adieu la blanquette ou le petit salé, l'accueil familial, bonjour le chien-loup, le comptoir dégueu, la mare de mégots, le nuage de fumée et les mecs louches qui louchent sur les filles...
Le prénom. Se rendre au Pied de fouet, c'est débarquer sur une autre planète, revivre le charme perdu du Paris d'il y a cinquante ans. Comme il se doit, les cabinets, à la turque, sont dans la cour. Ici, le client n'est pas un numéro : c'est son prénom qui est inscrit sur la fiche de commande. La cuisine tient dans un mouchoir de poche, de trois mètres carrés. Deux feux et une plaque suffisent à Bernard Bouillon pour alimenter ses 70 couverts. Tire-bouchon dans la poche de jeans, montre accrochée au passant, Marylène, la serveuse au sourire si large, mesure 1,60 mètre. C'est utile : à l'étage, la hauteur sous poutre est de 1,70 mètre.
Au hachoir. A la carte, plus viande que poisson, tout est assez simple :