Vous rentrez à Paris d'un week-end montagnard avec du coeur plein les poumons. Train, RER, métro : aux Halles, les néons blafards et l'odeur d'estomac retourné vous accueillent comme un courant cellulaire en fin de permission. Sur le quai, vous regardez la nouvelle réclame pour Darty. Un couple s'y étreint en gros plan. La femme, de face, a les yeux verts et sourit au néant. L'homme, de dos, est l'habituel fantôme masculin, le faire-valoir cool et viril qui n'existe plus. Il vous rappelle la phrase d'Andie MacDowell dans le film Sexe, mensonges et vidéo : «J'ai posé la main sur son sexe et j'ai oublié qu'il y avait un homme au bout.» Le chant du cygne de la virilité. Le slogan, «serrés comme les prix Darty», vous a un air de petit rentier, de destin réduit aux acquêts par temps d'Apocalypse et de travail, famille, pas trop. Les tours phénoménales tombent, le diable rit à la barbe du prophète, les fins du moi sont difficiles. Serrons-nous, serrons les prix, resserrons-nous sur le huis clos. Vous vous rapprochez de l'affiche. Au-dessous du slogan, au feutre noir, quelqu'un a écrit : «Dans cette vie, nous ne pouvons pas accomplir de grandes choses. Nous pouvons seulement faire de petites choses avec beaucoup d'amour.» Par exemple, acheter un petit (ou un gros) téléviseur chez Darty, avec beaucoup d'amour. L'amour ici n'est pas une porte ouverte : c'est un camp retranché. Participer à l'Histoire, avoir de l'ambition, coûte définitivement trop cher, et il n'y a pas de service apr
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