La mère de Rachel, 8 ans en juillet 1942, a senti tout de suite qu'elles et ses filles ne partaient pas travailler en Allemagne : il n'y avait pratiquement que des femmes et des enfants, «on ne va pas travailler avec des bébés». Alors, pour décider ses deux filles à s'évader de ce cinéma de Belleville où elles ont été parquées après la rafle du Vel' d'hiv, le 16 juillet 1942, elle les gifle ; furieuse, la grande soeur prend la petite par la main et s'enfuit, laissant derrière elle leur mère et deux policiers qui ont tourné la tête. «C'est la dernière fois que j'ai vu ma mère», pleure Rachel aujourd'hui. Il y a des photos de tous ces enfants, «pour que ça ne soit pas une statistique insoutenable», dit l'historien Serge Klarsfeld : photos justement insoutenables d'enfants qui ne sont pas revenus. En deux jours, 9 000 adultes et 4 000 enfants juifs ont été arrêtés, par la zélée police française. Aussi insoutenables, les témoignages d'Hélène, Rachel, Maurice, Rebecca, entre 8 et 16 ans lors de cette rafle qui fut suivie de bien d'autres. Les mêmes souvenirs, à leur histoire familiale près, égrenés dans ce bon documentaire de Gilles Nadeau : les coups violents frappés à la porte, les mères qui supplient ou tentent de résister, les pères absents, cachés, «jamais on n'aurait pensé qu'ils arrêteraient des femmes et des enfants», dit l'un des témoins ; la chaleur au Vel' d'hiv, les excréments, la lumière jour et nuit, les séparations atroces avec les mères... Les témoignages se font
Critique
Descente en enfer
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par Emmanuèle Peyret
publié le 16 juillet 2002 à 0h25
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