Quand on n'a pas de chaise en cellule, on se la bidouille à partir d'un tabouret. Avec de la mousse de vieux matelas, un morceau de palette, du chiffon et du scotch, le tout précieusement et astucieusement récupéré parmi les déchets. Une radio transformée en ventilateur, une armoire de toilette en carton, une tasse en boîte de Ricoré, des fenêtres démontées sur des boîtes de Coca pour former des étagères... «ça fait des années que je suis en prison et, quel que soit le temps, je ne ferme jamais mes fenêtres», explique son inventeur, Gilles. Ce sont ces petits riens, mais qui deviennent tout derrière les barreaux, ces objets bricolés par les prisonniers que la photographe Catherine Réchard a saisi dans son livre Système P, bricolage, invention et récupération en prison. Dans leur économie, leur inventivité et leur poésie. Ici, pas de fascination pour l'exotisme des rites carcéraux, mais une grande attention portée à cette débrouille vivante pour améliorer l'ordinaire de survie. Les photos font l'inventaire de tous ces objets «tolérés», dans leur vocation fonctionnelle, sentimentale et de plaisir. Et cadrent tantôt une main, un pied, un dos, un visage caché ou un portrait complet de détenu. Comme celui de Jean-Pierre qui s'est fabriqué un tabouret «de plus» avec deux seaux, pour jouer aux cartes.
Chaque image est accompagnée d'un texte où le prisonnier dévoile son astuce et livre aussi sa sensibilité. «ça n'est pas uniquement une histoire de confort, ça rapproche de l'extérieur