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Libération

Belle d'ennui

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publié le 1er novembre 2002 à 1h37

Le monde des arts est injuste : les acteurs médiocres font aussi les mauvais écrivains. Le monde du commerce est généreux : parfois, leurs livres se vendent. Prenez Annie Duperey. Son roman, Allons voir plus loin, veux-tu ?, trotte discrètement en tête des listes de best-sellers. Le titre semble prendre par la main le lecteur, cet enfant, cette victime, avec une douceur ferme : c'est le prolongement efficace du personnage télévisuel incarné par l'actrice. Cette longue perche mince et bourgeoise aux yeux clairs a en effet installé sa silhouette familière au cinéma, au théâtre, mais surtout, comme tant de comédiens de second ordre, à la télé. De grande soeur et de bonne copine, elle est devenue en vieillissant la mère sympa. Tendre, polie, morale, d'une séduction un peu raide, elle sent le parquet et marche toujours droit, très comme il faut. La télé est bonne fille avec les bonnes mères. Elle recycle volontiers dans son giron quotidien certains de ceux, ou de celles, qui ont échoué ailleurs. Ils y deviennent des figures morales de la vie ordinaire, pas trop éloignées de ceux qui les regardent, à mi-chemin entre le canapé acheté à crédit et le rêve sociologiquement contrôlé. Ce sont des êtres sans aspérité, sans grâce, sans haine, sans surprise, sans réplique : des archétypes de compagnie. Une seconde vie populaire est ainsi offerte à ceux qui n'ont pu briller dans la première. Cependant, il n'est pas donné à n'importe quel acteur d'y parvenir. Il faut savoir inoculer à l'imag