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Libération
Critique

Chambres avec nue

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«Motel Fetish», livre du photographe obsessionnel Chas Kryder, est un curieux objet où la chair fait partie du décor.
publié le 8 novembre 2002 à 1h42

a fille en talons est grimpée sur la table basse, comme pour échapper au vert toxi que de la moquette à poil long. Une autre est drapée sur le dossier d'un sofa, culotte rouge posée sur le coussin. Les têtes sont parfois coupées, ou affublées d'un abat-jour. Une autre fille s'est faite guéridon, cul en l'air, un sac à main posé dessus. Motel Fetish, qu'est-ce que c'est ? Psycho-killer ? Femme-Ikea ?

On ne brûle même pas. Car le motel est rigoureusement années 70, et c'est la fille qui a eu l'idée de poser le sac là où il est ; le photographe a juste créé la trouble ambiance dans laquelle cette impulsion saugrenue devient possible. Et dans les quarante chambres que contient le motel, le fétiche concerne autant les murs et la lumière ocre de la chambre que les filles. En fait, c'est ce qui différencie le travail de Chas Kryder des autres pratiquants du genre. Et il n'est jamais meilleur qu'avec les modèles amateurs qui ont commencé à meubler sa curieuse entreprise à partir de 1996. Les idées les plus payantes viennent parfois de là, d'une prosaïque nécessité sociale (ne voulant pas qu'on la reconnaisse, la fille se fourre la tête dans l'abat-jour : bonheur instantané).

Bien sûr, c'était avant Taschen, quand Kryder trimballait encore le portfolio du motel dans une gaine porte-jarretelles vintage 1962 en guise de housse, cherchant vainement un éditeur pour son projet obsessionnel. Tel qu'il paraît aujourd'hui, Motel Fetish est à la fois plus et moins que le livre rêvé par Kryder q