Les habitués du marché d'Aligre la connaissent bien. Casque blond vénitien, regard bleuté, Marlène est une figure locale. Le matin, un cercle se forme autour de sa «grande fête païenne»: la liquidation de plusieurs tonnes de fripes, extirpées une à une du sac, tarifées aussitôt par l'oeil expert de Marlène. Et lancées en pâture à ses «régulières», dont elle connaît les goûts par coeur. Autour, des malheureuses crient «à moi», «à moi». D'un regard, Marlène encourage les plus timides, tance les agressives, qui n'hésitent pas à arracher sans ménagement aux plus faibles la pièce convoitée. Le rituel est immuable, et Marlène en est la grande prêtresse.
L'après-midi, dans sa boutique, en face de l'Opéra-Bastille, l'ambiance est plus feutrée. Mais même sens du théâtre. Les vêtements sont mis en scène par touches de couleurs, et Marlène et son compagnon Michel partagent un goût certain pour la comédie italienne. «Ici, on s'amuse», confirme une cliente. Michel fustige les ambiances compassées des dépôts-ventes des beaux quartiers. Parle de rester fidèle à «l'esprit popu du quartier Bastille-Roquette» et au «commerce équitable» : «On ne sacralise pas le vêtement, plutôt la création.» Leur dernière tocade créatrice ? De petites vestes en jean agrémentées de fourrure, qui partent très bien (de 200 euros, pour du renard, à 350 euros, pour du vison). Elles sont le fruit de la rencontre entre Marlène et un artisan-fourreur, qui a travaillé pour les plus grandes maisons. Depuis cet été, dans