Un spot de publicité pour Universal Music constitue toujours un heureux événement. Son passage déclenche des tressaillements rétiniens, des contractions tympaniques, des friselis et réminiscences imprécis. Au moment des polémiques autour de Jean-Marie Messier, certains journaux, Télérama je crois, avaient appelé ironiquement cette invasion des sens la «pensée Universal». L'idée pouvait être indéfiniment déclinée : le temps Universal, et bien sûr la musique Universal. Le spot de pub en question vante les mérites d'une nouvelle compilation baptisée Utopia. Sous-titre : «Un monde de douceur.» Sous-sous-titre : «Pour votre bien-être absolu.» Le graphisme du CD rappelle à la fois la carte postale d'un lever de soleil sur le lac Rose au Sénégal, et les booklets de musique de relaxation sur les bornes d'écoute des aires d'autoroute. Sur Utopia, il n'y a quasiment que des instrumentaux, du classique pur en passant par des BO de film ou des réorchestrations de tubes légendaires.
Ce jour-là, la fonction de reconnaissance ultrarapide du spot a marché pour un morceau. Comme souvent, reconnu mais pas identifié. Un classique publicitaire. Depuis l'exécution d'Amadeus par The Academy Saint Martin of the Fields pour la BO du film de Milos Forman, et la Wally dans Diva, ce n'est plus la musique classique qui illustre le cinéma ou la publicité, c'est le ciné et la pub qui produisent la musique classique. Adorno avait déjà réglé la question en 1938 : «La musique, à laquelle on accorde avec gén