Jenifer vient d'avoir 20 ans, comme Lorie et Britney Spears. Rappelons que Jenifer fut la gagnante du premier round de la Star Academy. Jenifer fait la une du Monde 2, le magazine mensuel du quotidien gothique, après celle du Parisien («une vraie chanteuse»), de Paris-Match, Télé 7 jours, FHM, Entrevue... Jenifer partage son nom avec une chaîne de magasins (Jennyfer) pour teenageuses dont les affiches mettent en scène des néo-Brooke Shields (la Petite) streetwear en 3x2, Jenifer est quasiment devenu un nom commun après avoir été un prénom populaire, pillé dans les feuilletons américains. Un prénom générique en quelque sorte. Le substantif Jenifer pourrait même, à l'avenir, remplacer avantageusement le terme de «jeune fille». Ainsi, on ne dirait plus «à l'ombre des jeunes filles en fleur», mais «à l'ombre des Jenifer». Le célèbre lied de Schubert deviendrait Jenifer et la mort. Le ministère de l'Intérieur ferait la chasse aux amateurs de Jenifer. Les magazines comme Muteen ou OK Podium s'appelleraient tous Jenifer. Dans le livre du collectif de philosophes Tiqqun, premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille (1), on peut lire une série de définitions de la jeune fille contemporaine. Ces commentaires sont rédigés très ostensiblement à la manière de Guy Debord. Ils s'appliquent parfaitement à Jenifer. Si, là encore, on remplace tous les «Jeune-Fille» du livre (et il y en a beaucoup) par Jenifer et qu'on les lit avec le ton monocorde et grandiloquent du commandant Debor