A Moscou, politique et morale suivent souvent un chemin de ronde excrémentiel : au-dessous de la ceinture. Naguère, Vladimir Poutine souhaitait «buter» les indépendantistes tchétchènes «jusque dans les chiottes». Récemment, il proposait à un journaliste occidental trop agressif à son goût d'aller se la faire couper dans le Caucase. On a pu voir la semaine dernière, au quatrième salon Non/Fiction de Moscou, une vidéo en boucle sur le stand des éditions Ad marginem : des Russes jeunes et vieux y jettent dans un grand urinoir en carton le Lard bleu, roman (non traduit) de Vladimir Sorokine dans lequel baisent les clones de Staline et de Khrouchtchev, mais aussi les romans de Viktor Pelevine. Autrement dit, les oeuvres d'auteurs assez jeunes, dont les proses reflètent méchamment l'état de décomposition de la société russe depuis dix ans. Les livres sont dénoncés comme «pornographiques» et, insulte suprême, «postmodernes», par la mystérieuse organisation Marchons ensemble. Mystérieuse, car on ignore qui la finance et combien de militants la composent, peut-être très peu. On ignore qui donne à ces poutiniens (ou à ces néocommunistes) l'argent pour acheter les romans à détruire. Le symbole, lui, est assez clair : il rappelle les autodafés nazis. L'urinoir symbolique a été posé l'été dernier devant le théâtre du Bolchoï, au pied de l'épaisse statue de Karl Marx. Ces jours-ci, il avait disparu peut-être à cause du froid. Les romans «postmodernes» finissent ainsi dans une installati
Dans la même rubrique