Dans une rue piétonnière du fin fond du XVe arrondissement, des affiches masquent une devanture. Pas d'enseigne. Des idéogrammes incompréhensibles au Parisien. La porte s'ouvre. A l'intérieur, quelques tables en formica alignées. Ce pourrait être un restaurant clandestin. C'est un traiteur, le plus raffiné qui soit, qui peut également offrir des «dégustations sur place». Seuls une poignée d'élus le savent, se passant la confidence de bouche à oreille. Il faut impérativement commander à l'avance. Hisayuki Takeuchi, 41 ans, que les habitués appellent Hissa, a ouvert il y a deux ans, avec son épouse Elisabeth, ce magasin qui rappelle l'atmosphère kitsch des échoppes de Tokyo. Sur le comptoir, le «Super Lucky Cat» arbore un sourire énigmatique.
Intellectuel. Takeuchi a passé son enfance dans la montagne, dans l'île méridionale de Shikoku. A 15 ans, il a commencé comme apprenti dans un restaurant. Il est devenu chef de cuisine française dans des restaurants de la capitale comme chez Piaget ou Ginza.
Hissa est un intellectuel. Il est venu en France pour se plonger dans la littérature. Durant deux ans, il lit Hesse, Mann, Goethe, Kafka. En français. Il travaille à droite à gauche. Une rencontre avec le grand chef Alain Senderens fait déclic. Celui-ci est ravi d'un repas que lui a préparé le jeune Nippon au visage d'adolescent, casquette de base-ball vissée sur la tête. Il lui propose une place dans ses cuisines. Hisayuki Takeuchi hésite. Il songe plutôt à offrir à la gastronomie japo