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Libération

Vautrin et ses copains

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publié le 20 décembre 2002 à 2h12

Gérard Depardieu ferait un excellent Vautrin. Peut-être même colle-t-il un peu trop à l'épais drap du bagnard balzacien pour le jouer correctement. Il en possède l'énergie, l'appétit, la violence, l'enthousiasme, le mépris, la générosité, l'orgueil et, surtout, l'absence de morale commune. Il semble avoir déclaré la guerre à la société démocratique, à sa presse surtout, une presse qu'il doit trouver bourgeoise, moralisante, étriquée, pisse-froid, comme s'il avait passé les trente dernières années non pas sur les planches et devant les caméras, mais à Cayenne, en pyjama rayé, avec crabes et moustiques. D'une part, il joue parfois dans de petits films sans budget, comme Aime ton père, de Jacob Berger, parce qu'il reste un acteur capable de s'engager hors du système, de s'enthousiasmer pour un projet fragile : fait du prince. Malheureusement, son poids de presse et sa réputation hénaurme sont tels que sa présence, en faisant vivre de telles oeuvres, les écrase et les tue du même coup. D'autre part, il choisit ses amis dictateurs ou magouilleurs probablement parce qu'ils sont riches et puissants, mais aussi, sans doute, parce qu'ils sont de grands jouisseurs, des espèces de surhommes qui auraient lu Nietzsche de travers, une bouteille de vodka à la main et une fille sur chaque cuisse : des soudards dont l'existence défie les valeurs démocratiques. Quand Libération publie une enquête sur les mystérieuses affaires de l'Algérien Rachid Khalifa, Depardieu son ami répond donc en deux