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Libération
Critique

Portrait d'un feu follet

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publié le 11 février 2003 à 22h12

Dans les contes de fées, de la bouche des jeunes filles sortent parfois des roses ou, lorsqu'elles sont des garces, des crapauds. De celle de Francesca Woodman, jeune photographe américaine à la vie fugitive, dans son Autoportrait parlant à Vince, sort une matière indéfinissable : appareil dentaire devenu proliférant, début d'écriture de plastique translucide, bave solide... L'image est inquiétante, avec cet oeil qui plonge droit dans l'objectif. C'est comme dans ces rêves à la frontière du cauchemar, qui vous laissent au réveil avec un message indéchiffrable, auquel on préfère ne pas toucher.

Quatre ans après une grande exposition à la fondation Cartier, l'oeuvre de l'Américaine (1958-1981), morte par suicide à 22 ans, est à nouveau présentée à Paris. Fille d'artistes, Francesca Woodman commence la photographie à 13 ans, avec tout de suite des autoportraits, où elle apparaît généralement nue. Elle se photographie elle-même, parce que, dit-elle, c'est plus pratique, elle est toujours «disponible». En Italie, où elle séjourne longuement, ou à Providence (Etats-Unis), elle se met en scène dans des lieux désaffectés. Elle se fond dans les murs, se cache derrière les lambeaux de papier peint, se glisse derrière un cadre de cheminée. Fumée, colonne de poussière dans un rayon de soleil, feu follet... Francesca, plus que d'imposer une présence narcissique, passe comme une apparition, un ange. Et, s'il est question de mort, mieux vaut repousser la tentation de décrypter cette oeuvre