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Libération
Critique

Eric Beaumard, le grand cru du Cinq

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publié le 28 février 2003 à 22h47

Ce gars illumine une salle. Si le Cinq accède au firmament des trois étoiles, il le doit autant à la cuisine de Philippe Legendre qu'au tempérament de son directeur, Eric Beaumard. Il a beau diriger 43 personnes dans un hôtel de luxe parisien, il n'a rien d'un pingouin. Eric Beaumard a gardé les bretelles, la démarche nonchalante, le rire spontané et le sourire chaleureux. Tout ce qui manque dans tant de grands restaurants, où l'obséquiosité remplace la sincérité.

Collection de titres. A 39 ans, Eric Beaumard a pour lui un parcours accidenté. A 14 ans, il commence son apprentissage dans les cuisines de sa Bretagne natale. Ses 18 ans ne sont pas le plus bel âge de sa vie. En 1982, le jeune motard est renversé par une voiture. «Plexus brachial, classique», dit-il sobrement en montrant une main qui pendouille. Nerfs sectionnés, son bras droit devient inutile. Au sortir de deux ans d'hospitalisation, Eric Beaumard doit se bricoler une planche avec des clous pour tenir la carotte qu'il veut éplucher. Personne ne veut d'un manchot en cuisine. Sauf un. Un marin, un Breton. Une autre gueule cassée, qui sait ce que cela signifie de se retrouver des mois sur un lit d'hôpital, membres et rêves brisés (1). Olivier Roellinger, le cuisinier de Cancale, prend Eric Beaumard en cuisine. Le gaucher se remet à la manoeuvre. Il ne fait pas que cuire les saint-jacques : quand il met sa main droite sur le fourneau, il ne s'en aperçoit pas. Trop de brûlures. Le voici «au froid», où il décourage ses