La Face cachée du Monde, de Pierre Péan et Philippe Cohen, a été lancée par les éditions Mille et Une Nuits, filiale de Fayard, comme un samizdat. Dans les dictatures communistes, le samizdat circulait clandestinement, en l'absence de permis et d'éditeur. On est en démocratie : le livre est publié. Ce qui, pendant des mois, a circulé dans le monde des élites et de la presse, ce n'est pas ce texte qui s'en prend aux directeurs du Monde, mais sa rumeur. Elle annonçait le livre en le protégeant. Son éditeur, Claude Durand, PDG de Fayard, a publié le Soviétique Alexandre Soljenitsyne et l'Albanais Ismail Kadaré. L'un était dissident ; l'autre était ambigu. Chacun avait, à sa façon, entamé un bras de fer avec le pouvoir totalitaire. Durand et ses deux auteurs ont fait de même face au pouvoir que le Monde concentre et dont ses chefs auraient abusé. Une semaine avant publication, chacun croyait qu'il y aurait deux livres, l'un de Péan, l'autre de Cohen. Tout le monde ignorait quand ces livres seraient publiés ; qui seraient leurs éditeurs ; et de quoi serait fait l'ouvrage de Péan, le plus attendu. Tout le monde rongeait la rumeur : un voile de racontars enveloppait la mariée que Durand et ses deux auteurs menèrent en silence, par des voies dérobées, jusqu'à l'église démocratique. Voici sept ou huit jours, tandis que la presse entière attendait le pavé défigurant son fleuron crépusculaire, il arriva d'Espagne où on l'avait imprimé : franchissant les Pyrénées pour ainsi dire à dos d
Dans la même rubrique