«De la musique avant toute chose, écrit Verlaine dans son Art poétique. Et pour cela préfère l'Impair/ Plus vague et plus soluble dans l'air/ Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.» On put écouter, l'an dernier sur France Culture, l'art poétique d'un être d'exception : l'écrivain Pierre Guyotat. Il parlait à Bernard Comment, accoucheur attentif et invisible, de sa chair musicale. L'enregistrement de ces émissions est désormais disponible dans un livre-disques (1). C'est une conversation intime, initiatique, à la fois dense et naturelle ; le voyage au coeur d'un homme à travers ses goûts musicaux. Mais s'agit-il simplement de goûts ? Le mot est devenu si frivole, si lié à l'idée de consommation et de passe-temps. La musique n'est pas, dans le cas de Guyotat, un divertissement : c'est l'existence même. Elle la façonne. Elle la nourrit. Elle l'éclaire, l'explique, la justifie. L'écrivain cherche ses mots pour définir les correspondances entre le sang et les notes. Il évoque, ou plutôt invoque, ses ancêtres, son oncle résistant, ses parents, son enfance, ses paysages, la pension, le service militaire, la guerre d'Algérie, son voyage à Cuba en 1967, l'écriture. Chaque instant respire un air, un musicien. Enfant, il voit les siens parler tandis que tourne le gramophone. Il est scandalisé. La musique naît du silence, de la messe, des vieux disques, des cassettes. Elle est rare. Elle a peu à voir avec le bruit sonore qui nous enferme et nous tue. La connaissance que Guyotat a des co
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