«Madame Bonbon» officie dans une minuscule échoppe du quartier Raspail. Ne lui demandez pas son nom, même les habitués qui la fréquentent depuis quarante ans n'en ont aucune idée. Pour tous, elle est «Madame Bonbon», la porte-parole de la survivance d'un artisanat. Pour tout acte de naissance, elle précise avoir grandi dans la confiserie, puisque ses parents tenaient une épicerie fine dans le quartier. Aujourd'hui, sa boutique est presque entièrement dévolue aux sucreries, même si elle aligne également thés, chocolats ou confitures. En tout cas, exclusivement des «spécialités artisanales», dit- elle avec une pointe de fierté, mêlée du regret du temps passé.
Ainsi du Négus de Nevers, caramel mou chocolaté enrobé d'une gangue de sucre à peine caramélisé. D'une couleur très sombre, il faut bien compter dix minutes pour le faire fondre, et le laisser gagner en onctuosité. Surtout ne pas le croquer. Il a été créé en 1901, à l'occasion de la visite en France de l'empereur d'Abyssinie, par Char les Grelier, de la maison Grelier & Lyron. Deux à trois mois d'apprentissage sont nécessaires pour apprendre à former ces caramels, en les trempant vivement dans du sucre brûlant.
Caramels incomparables. Ou encore la Bergamote de Nancy, bonbon translucide aux lueurs jaunes fabriqué à partir de cet agrume, au parfum entêtant reconnaissable dans le thé Earl Grey. La légende veut que le bergamotier ait été importé d'Italie, à l'occasion d'alliances entre la Sicile et la puissante cour de Lorraine