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Libération

Irak en bulles

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publié le 25 avril 2003 à 23h00

Pendant que les chiites irakiens marchent et se fouettent enfin librement dans la poussière, quelques Occidentaux privilégiés trempent leurs peaux dans le bouillon pascal et diététique d'une thalassothérapie bretonne à 2 000 euros la semaine, Sofitel compris. Rapprocher cet événement grave et cette cure frivole peut sembler curieux, mais n'est pas absurde. Lire les rebondissements de l'après-guerre en Irak tout en suivant un parcours aquatique à Quiberon, Morbihan, est une véritable expérience intime et géopolitique : on y sent, obscurément, que les deux faits font partie du même monde et se tiennent. A Quiberon, si le port du voile n'est toujours pas obligatoire, celui du bonnet de bain l'est. Certains vieillards essaient d'y couper et se glissent tête nue dans la piscine, jetant vers le maître nageur des regards craintifs et biaisés d'enfant transgressif. Celui-ci les observe puis, rudement, roulant des épaules fortes, leur donne l'ordre méchant qu'ils attendaient comme un coup de fouet ou une piqûre de talon aiguille. «Je sais, c'est mal, nous sommes en pleine régression, murmure une psy au court-bouillon, mais, que voulez-vous, j'adore ça.» Les femmes d'âge vénérable sont ici les plus nombreuses. Elles fixent en pédalant dans la piscine leur vis-à-vis, sans expression aucune, comme si la moindre manifestation d'émotion devait les défigurer : d'antiques oiseaux de marbre et d'eau. Elles rappellent ces créatures qui, dans le film Brazil, se font tirer les peaux chez un est