Déconseillé aux dormeurs : les spectateurs de la Tragédie du Vengeur, dont les représentations s'achèvent ce week-end au théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, risquent d'autant moins de sombrer dans la torpeur qu'ils n'arrêtent pas de se lever, de monter et descendre des escaliers, de visiter les coulisses, à la poursuite d'un spectacle qui fait le pari de s'installer dans le bâtiment tout entier. Une déambulation qui n'est pas qu'anecdotique. La pièce de Cyril Tourneur, contemporain de Shakespeare, est un jeu de piste chaotique qui semble échapper à toute convention. Au point qu'en l'écoutant on croit par moments au canular : un scénario de film gore déguisé en pièce d'autrefois.
Il faut dire que Tourneur n'y est pas allé de main morte : viol, meurtre, corruption, trahison, mensonge... la vie à la cour du vieux duc de Lussorioso n'est divertissante que pour le gang au pouvoir. Il reviendra à Vendice le Vengeur de nettoyer le nid de vipères. Il y a quinze ans, Jean Jourdheuil et Jean-François Peyret, qui avaient exhumé la pièce pour la retraduire, en avaient proposé une mise en scène aussi hilarante que savante. Richard Brunel, quant à lui, la transforme en voyage initiatique à travers les genres théâtraux : intime, épique, burlesque... Son spectacle n'est jamais si réussi que lorsqu'il le resserre, ainsi dans l'impeccable dîner en famille qui rassemble, autour d'une soupière sanglante, le Vengeur (Olivier Werner), sa mère (Sylvie Milhaud) et le reste de sa petite famill