«La justice, rappelle le réalisateur Jean-Luc Léon en citant Michel Audiard, c'est comme la Sainte Vierge, si elle ne se montre pas de temps en temps, le doute s'installe.» Puisque dans les îles de Polynésie «le rituel de justice y est plus visible, plus lisible, moins opaque qu'en France», Jean-Luc Léon a suivi l'irruption annuelle de l'administration judiciaire dans les départements polynésiens.
Réunis une fois par an pour effectuer leur tournée dans un territoire qui ne possède pas de structure de justice permanente, un président du tribunal, deux juges adjoints, un substitut du procureur, un greffier polynésien et un avocat commis d'office s'envolent vers les Tuamotu, les îles Australes ou les îles Sous-le-Vent. Et tout ce beau monde, malgré une Marseillaise casse-oreilles qui accompagne leur arrivée, ne se comporte pas comme d'augustes dignitaires de métropole rendant la justice dans un forum colonial.
Tandis que les huit affaires filmées versent plusieurs fois dans le comique en raison des fossés culturels qui brouillent les rapports entre la magistrature et ses justiciables, le rituel procédurier du cérémonial républicain prend tout son sens. Ce qui importe en effet, ce n'est pas tant les réparations de torts et la sanction des fautes que cette brève incarnation de la Justice dans un rituel précis auquel tout le monde peut assister. Le fait que la population locale puisse observer et comprendre, même une fois par an, un règlement en justice, c'est cela le génie de la pr