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Libération

La blonde et Larousse

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publié le 12 septembre 2003 à 0h57

Sur une affiche en ville, Emmanuelle Béart promeut en déshabillé le Petit Larousse nouveau. C'est l'aube. L'actrice s'éveille. Les mots la caressent. C'est la Marianne de la bible populaire et profane. Elle se lève et sème au vent des phrases. Derrière elle, un champ s'épanouit. Il évoque le bon grain des mots, la récolte des livres, le paradis français de ce qui se conçoit bien et s'énonce clairement. Et aussi Manon des Sources, le rôle de sauvageonne-Ducros qui fit sa gloire. La belle et la bête, donc. La belle étant bien sûr le dictionnaire, qui va révéler par l'alphabet la vraie nature de la bête : son humanité. Pour l'instant, celle-ci n'est encore qu'une actrice : gironde à faire peur, pleine de mots d'auteur, ceux des autres, douée d'un visage au sérieux étrangement hystérique, folle de la messe pourvu qu'elle en soit Marie et Madeleine, tout enivrée du regard que les hommes reportent sur elle depuis que, pour couvrir un hebdomadaire féminin, elle a trempé son cul dans l'eau tiède. Béart y jaillissait du puits tropical, ronde et pleine et coulant de source comme une vérité flamande mise à nue. L'hebdo féminin se vendit comme jamais : il se vendit contre les coupe-faim, les régimes des hebdos féminins, les longs squelettes de haute couture et la danse macabre des tissus lointains. La bête trempait Madeleine. Dans l'affiche Larousse, prévue avant la Une du féminin, elle redevient Marie : douloureuse mère des opprimés. Béart avait soutenu en 1995 les sans-papiers, qui fu