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Libération
Critique

Les corps dénaturés

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publié le 20 novembre 2003 à 1h58

«Je fais un théâtre sale et laid en rapport avec ma vision du monde», déclare l'auteur espagnol Rodrigo Garcia. Un monde sauvage, régi par l'ultralibéralisme où il en va de l'humain comme des plantes, que les jardiniers, à force d'élagages, retaillent à leur idée.

Des corps exploités, esthétisés, pornographiés par la société de consommation, la mode, la publicité... selon les lois du marché. Violemment plastique, plus proche de la performance que dans ses précédents spectacles, Jardineria humana («jardinage humain»), qui s'ouvre sur un crachat, est sans doute le manifeste le plus rageur de Rodrigo Garcia. Celui où, paradoxalement, le texte s'inscrit plutôt en retrait derrière une série d'actions physiques qui constituent tout le corps du propos. Les six acteurs espagnols qui accomplissent le saccage du plateau, et plus encore de leurs propres corps, ne font pas les choses à moitié. On les verra, par tous les angles de leur nudité affolée, se sauter dessus comme des chiens, partouzer en Nike dans une débauche de léchage de pompes, se faire emplâtrer comme ces murs hérissés de tessons de bouteilles, et s'infliger, avec cette prédilection qu'a le metteur en scène pour la nourriture, des kilomètres de spaghettis dans un match entre les nations possedantes et celles des crève-la-faim. A la fin, une Pietà descend de son socle de marbre pour prendre entre ses bras une foule d'anonymes... Du même auteur, le Festival d'automne présentera en décembre Compré un pala en Ikea para cavar m