C'était comme attendre avec impatience un interlocuteur à l'autre bout du fil et entendre subitement le signal d'un fax. ça n'empêchait pas la Corvette noire de tracer sur l'échangeur criblant downtown en direction de Long Beach, ni le son du ressac, la veille, pendant qu'elle avait lentement ouvert ses longues cuisses tièdes, de continuer de résonner dans la tête. Elle s'était présentée au Vertigo, froidement déterminée dans ce décor de béton brut traversé de lasers bleus, et c'est à elle qu'on pensait, quinze ans plus tard, en roulant en direction du Palais de Tokyo au son du dernier album de Air. Les filles du Crazy Horse étaient là, se détachant depuis un balcon, comme surgies à l'ombre d'une gigantesque créature en raphia évoquant le dinosaure du musée d'Histoire naturelle de Manhattan, avant de rejoindre les invités, dégustant des spécialités fluo en contrebas.
Michou, tout de bleu, descendait encore plus lentement le grand escalier, ponctuant chaque pas en direction de la foule d'un «c'est exceptionnel» comme s'il était sous trip. On arrivait, de fait, avec James Rousseau du concert assez planant de Grandaddy. L'alchimie du son évoquant un croisement de Cure et ZZ Top et des images de buffles courant dans la poussière ou de petite fille perdue dans l'espace, avait laissé cette toujours euphorisante sensation de déjà-vu international. Suivant de peu l'arrivée d'Orlan, Jean-Claude Jitrois et ses deux maris racontaient la nouvelle revue Taboo dont on venait de rater la pr