Menu
Libération
Critique

Varda, glaneuse de veuves

Article réservé aux abonnés
publié le 7 février 2005 à 0h24

Agnès Varda n'en finit pas de peler ses patates. De retour à Paris après une tournée triomphale autour de chez elle, elle a plus que jamais la frite. Primo par le prolongement de son expérience menée il y a deux ans à la Biennale de Venise, où elle paradait en grosse pomme de terre humaine tandis qu'en bandoulière un dispositif sonore égrenait moult noms du tubercule.

On retrouve le dispositif pour une Patatutopia (2003) d'actualité : au sol un arrachage de frais forme comme une plage de galets. Au mur, en angles, une déclaration d'amour (coeur de patate vaut bien coeur d'artichaut) rêveuse et élégiaque (comme une peau d'humain, celle de la pomme de terre se ride). Et par la bouche d'une cheminée anthropomorphe, un dégorgement.

Secondo, et nouveauté, dans les pas de ses Glaneurs, Varda a été cueillir des témoignages de veuves dans l'île de Noirmoutier, où elle-même demeure. C'est donc une sorte de résidence ni dans ni hors mais sur le mur où une vingtaine d'écrans en grille démultiplie les récits de celle-ci qui trouve que «le lit est froid», de cette autre qui estime sa vie inchangée depuis la mort de son époux, puisqu'il était marin et absent. Varda s'est incluse dans la frise, sur l'air de Démons et Merveilles, avec Jacques Demy. Au centre, la réunion des dames autour d'une table noire qui pourrait être un catafalque ou le début d'un banquet d'obsèques. Tertio et finito, le Triptyque de Noirmoutier (2005) : ou comment dans une scène centrale d'«intérieur à la Vermeer», dit-