Sans doute qu'une partie du charme de Pelléas et Mélisande réside dans l'éternel du conte : forêt, château et oubliettes, princes et princesse, histoire d'amour et bague perdue, on y retrouve les ingrédients d'un fantastique enfantin ; peur et plaisir s'y mêlent inextricablement. Il faut y ajouter l'incroyable modernité d'une écriture sans emphase ni arabesques. Avec ses phrases courtes, ses mots simples et son sens du rythme, Maeterlinck annonçait Beckett ou Duras. «Il a travaillé, disait Bachelard, aux confins de la poésie et du silence, au minimum de la voix, dans la sonorité des eaux dormantes.»
Au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis (Seine Saint-Denis), Alain Ollivier reprend ce spectacle créé avec beaucoup de succès l'année dernière. Le décor de Daniel Jeanneteau se situe exactement «aux confins des eaux dormantes» : inondé, le plateau est rejeté dans l'ombre et les acteurs jouent sur le proscenium, comme s'ils vivaient en lisière du royaume des morts. Ils n'ont rien de fantômes pour autant, à l'image d'Antoine Caubet (Golaud), toujours en équilibre entre grâce et maladresse, face à l'harmonie de Florence Payros (Mélisande) et à la jeunesse de Xavier Thiam (Pelléas). Avec Philippe Duclos, Arlette Bonnard, Nathalie Kousnetzoff et tous les autres, ils donnent à la pièce simplicité et finesse, en phase avec l'art de l'ellipse et de la suggestion de leur metteur en scène. A propos de Maurice Maeterlinck toujours, Antonin Artaud parlait d'«une façon profonde de sentir». C'