Les productions d'opéra réussies (orchestre, mise en scène, chanteurs) se comptent, bon an mal an, sur les doigts d'une main. Le Tour d'écrou dévoilé il y a quatre étés à Aix-en-Provence, et enfin disponible depuis quelques semaines en DVD (Bel Air/Harmonia Mundi), fait partie de ces rares moments de grâce.
La mise en scène de Luc Bondy, aiguisée et limpide, installe avec la complicité du décorateur Richard Peduzzi et des lumières de Dominique Bruguière un univers de conte cruel et fascinant. La baguette analytique de Daniel Harding, qui dirige le Mahler Chamber Orchestra, s'avère idéale pour ciseler les figures et tours anciens, réaliser les subtils alliages sonores et donner son flux romanesque au chef-d'oeuvre inspiré à Britten par la lecture de Henry James. Comme à Aix-en-Provence, on se laissera envoûter au Théâtre des Champs-Elysées par une distribution vocale remarquable, et la composition de Mireille Delunsch, rêve de Gouvernante, propulsée dans cet enfer de la pédophilie et qui tente d'arracher les petits Miles et Flora à la mort dans laquelle veulent les entraîner les fantômes de Peter Quint (Marlin Miller) et Miss Jessel (Marie Mc Laughlin) qui abusèrent autrefois de leur innocence. Mais également par la cinglante Hanna Schaer campant une Mrs. Grose effarée par ce que les enfants lui ont avoué, et qui entretient jusqu'au bout un climat de panique dans ce manoir retiré de la campagne anglaise. Seul regret par rapport à Aix, l'absence à Paris du petit Gregory Monk en