Nous sommes dans les années 10-20. Erik Satie sort d'un restaurant trop bruyant. C'est depuis ce moment qu'on sait que la musique entretient des rapports étroits avec l'ameublement. Le compositeur des Gymnopédies y déjeune avec quelques amis dans un tapage insupportable. Satie lâche paraît-il : «Il y a tout de même à réaliser une musique d'ameublement, c'est-à-dire une musique qui ferait partie des bruits ambiants, qui en tiendrait compte. Je la suppose mélodieuse, elle adoucirait le bruit des couverts, des fourchettes sans les dominer, sans s'imposer. Elle meublerait les silences pesants parfois entre convives. Elle leur épargnerait les banalités courantes... Ce serait répondre à un besoin.» Aussitôt dit, aussitôt fait. Satie et Darius Milhaud créent des petites phrases musicales jouées par un ensemble instrumental. Ils les baptisent logiquement «musique d'ameublement». Des objets musicaux désacralisés destinés à meubler les temps morts. Une «contribution à la vie au même titre, ajoutera Milhaud, que la chaise sur laquelle vous êtes ou n'êtes pas assis». Cette conception «monsieur meuble» sonne incontestablement subversive, à l'époque, tant la musique est parée de toutes les vertus «éthérées et sublimes» (Adorno, plus tard). A la fin des seventies, Brian Eno transpose la notion dans la postmodernité avec Music for Airports. Aujourd'hui, l'invention conceptuelle d'Erik Satie s'est généralisée. Du Muzak à la BO d'Emilie Simon p
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