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Libération
Interview

«La France est en pleine régression».

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publié le 10 novembre 2005 à 4h31

Alain Touraine est sociologue et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et l'un des intellectuels français qui connaissent bien l'Espagne. Il publie régulièrement des articles dans le quotidien El Pais.

Comment expliquez-vous que l'Espagne transgresse aussi allègrement les dogmes catholiques quand la France s'est déchirée deux ans autour d'un Pacs qui semble bien mesuré ?

On constate en France une perte d'influence des secteurs les plus progressistes qui laissent le champ libre aux conservateurs de droite ou de gauche. Contrairement à ce qui se passe en Espagne, il n'y a pas d'impulsion des mouvements féministes ou homosexuels ni d'autres secteurs de la société civile dans les partis politiques. De plus, historiquement, en France, tout ce qui touche au sociétal est faible, peu débattu, peu pensé, voire méprisé, contrairement à ce qui relève de l'Etat. A droite, on est étatiste parce qu'on est plus gaulliste que libéral, et à gauche parce que le Parti socialiste ne s'est pas affranchi de ses origines communistes. Depuis les années 90, ce pays se replie sur son «exceptionnalité», son «républicanisme», pour refuser la diversité des intérêts sociaux et culturels. C'est une attitude réactionnaire. La France, qui avait impulsé une libéralisation des moeurs dans les années 20 et 70, est en pleine régression : on pénalise, criminalise, on parle d'insécurité, de valeurs mises en danger.

Pourtant, cela n'explique pas l'allégresse espagnole...

Les socia