Comment peut-on être de gauche ? Au vu des espoirs évanouis, des échecs endurés et des épreuves traversées par l'homme (ou la femme) de gauche depuis un quart de siècle, la question se pose. Après avoir écrasé le paysage intellectuel de ses certitudes, de la Libération aux années 80, l'homme de gauche s'est mis à raser les murs. Les repères qui structuraient son engagement se sont effondrés un à un : l'Etat jacobin rongé d'en bas par la décentralisation, d'en haut par la construction européenne ; le communisme, englouti avec l'explosion de ses pays laboratoires ; l'Etat-providence et le «modèle social français» déstabilisés par le chômage de masse... Jusqu'à la laïcité qui, un siècle après la loi sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, plie devant la montée des communautarismes et le renouveau des religions. Ces quatre piliers demeurent constitutifs de l'identité de la gauche. Mais s'il en perçoit les traces, notre sondage LH2-Libération-i-Télé-Fondation Jean-Jaurès (1) montre qu'une longue pratique du pouvoir (quinze ans de gouvernement sur les vingt-quatre dernières années) soldée par le traumatisme du 21 avril 2002 a fait exploser le cadre de référence de la gauche. Décryptage d'une identité en plein désordre.
Une gauche déboussolée entre réel et utopies
Premier indicateur du mal-être de l'homme de gauche, 60 % des personnes interrogées jugent «dépassées» les notions de droite et de gauche. Les conservateurs ont, historiquement, du mal à assumer un clivage où, dans l'in