Je suis d'une génération d'après-guerre à qui on avait appris qu'il fallait tout expliquer et, afin de préserver un certain équilibre dans cette île si complexe qui est la nôtre, tout répertorier et classifier. Un rationalisme poussé à l'extrême dictait les choix, dont ceux concernant l'éducation des enfants. L'écriture, par exemple, ne devait plus suivre les mouvements naturels de la main, mais imiter les caractères d'imprimerie en se tenant au garde-à-vous : comme j'enviais ma grand-mère et ses lettres «attachées»... Le choix de l'anglais, éminemment international, se voulait évident.
Pourtant, cent cinquante ans de colonisation anglaise n'avaient pas eu raison de la francophonie récalcitrante et conservatrice de l'ancienne Ile de France. La résistante s'impliquait dans la défense des avoirs, matériels comme culturels, mais, dépassant les considérations de pouvoir économique, elle avait acquis une existence propre à elle, faisant commerce avec le créole, et même l'anglais. Il était de bon ton de parler français, dans l'île Maurice du siècle dernier. Cela vous différenciait des masses qui, elles, devaient se contenter d'un créole lesté de son statut de patois, fort utilisé mais peu reconnu. Ou d'une des langues orientales faisant surtout la différence entre les villes et les villages, que les divers transferts de mon père fonctionnaire nous faisaient rencontrer sans vraiment connaître.
Les années postindépendance voulurent donner au créole, sous l'impulsion de certains lingui