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Libération

''Préférer l'humour à la ferveur''

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publié le 16 mars 2006 à 20h37

Né à Beyrouth d'un père anglais et d'une mère libanaise, j'aurai eu trois langues maternelles. Autant dire que je n'en aurai eu aucune. Petit, l'anglais était pour moi la langue de la cohérence, donnant sa consistance au nom dont j'avais hérité. La langue du rêve, aussi, éclairant cette Angleterre onirique qu'on me promettait. L'arabe, lui, était la langue triviale qu'on ne parlait qu'avec sa nounou, le personnel de la maison et les divers autres prestataires de services qui ne semblaient exister que pour nous faciliter la vie. Le français était alors la langue du pouvoir : pouvoir des parents, pouvoir des maîtres et des surveillants, pouvoir des filles du collège d'à côté devant lesquelles on se pâmait et qui grasseyaient à la mode de Paris, pouvoir de cette bourgeoisie francophone qui dominait le pays.

Il s'ensuivit chez moi une révolte contre le français et une plongée dans l'arabe, langue dénigrée des classes dominées. Des Arabes, je découvris la culture, la poésie et la littérature, me prenant volontiers pour Wilfred Thesiger, qui avait épousé le mode de vie des nomades du désert, alors que, pour ceux avec qui je frayais, j'étais sans doute, au mieux, T.E. Lawrence, et à ce titre suspect.

Puis vinrent le temps des études, en Angleterre, et celui de la vie professionnelle, quand je redécouvris le français, cette fois-ci comme langue de plaisir. Langue du luxe, pourrait-on dire, puisque je n'en avais plus besoin pour être opérant. Le français devint alors pour moi la langue