Tran Anh Hung (Vietnam), réalisateur
Un être en flottaison
Je suis né au Vietnam, que j'ai quitté en 1975 avec mes parents et mon frère. Mon père et ma mère, très peu éduqués, désiraient fortement que leurs enfants puissent réaliser des études. La France représentait pour eux cette chance. Je n'ai jamais éprouvé la douleur de quitter mon pays. J'avais un désir de découverte, de nouveauté, lié à la sensation d'échapper à un danger, une nécessité de survie après le drame de la guerre.
Les premières années de ma scolarité en France furent laborieuses. J'ai eu beaucoup de mal à apprendre le français et, par conséquent, à faire mes devoirs. Je n'ai en revanche pas souffert d'être différent. Dans la banlieue parisienne où j'ai grandi, les Asiatiques étaient plutôt bien perçus. Je n'ai d'ailleurs fait aucun effort particulier pour oublier le vietnamien, que je parle aujourd'hui avec mes enfants. Lors de mon premier retour au Vietnam, j'ai redécouvert avec émerveillement cette langue qui se déroulait devant moi, pratiquée par des visages qui me ressemblent. Une transe. D'autant plus prenante que le français et le vietnamien sont deux langues radicalement différentes. Je n'ai pas non plus effectué de recherche acharnée de mes racines. Ni beaucoup réfléchi à la question de l'intégration. Je suis un être en flottaison, dégagé des racines. J'observe plus que je ne vis. J'observe pour ressentir. Je découvre avec naturel.
Je suis assis entre mes deux cultures. C'est inconfortable. Le malaise