Il m'est arrivé de dire que le français est ma langue maternelle alors que l'arabe est ma langue paternelle. Cela peut ressembler à une boutade, mais c'est rigoureusement exact. Le français est ma langue maternelle en ce sens qu'il était la langue de ma mère, l'arabe ayant été celle de mon père, même si mes deux parents étaient par ailleurs relativement bilingues. Que ma mère fût francophone relève d'une série de facteurs sociaux et historiques aussi bien que d'une histoire familiale et personnelle un peu complexe. Traditionnellement, et notamment au coeur de la bourgeoise libanaise, le français se transmettait, et continue de se transmettre naturellement au sein des familles, plus ou moins à côté de l'arabe, et par le relais des écoles francophones. Mais ce ne fut pas le cas de ma mère, qui appartenait à une famille protestante pour qui, chose rare au Liban et notamment il y a une centaine d'années, l'anglais (et l'anglais britannique) était la langue de référence, à côté d'un arabe de qualité la famille de mon grand-père ayant simultanément donné des lettrés et des poètes au temps de la Renaissance des lettres arabes.
Mais ma mère ne vécut pas son enfance au Liban. Très tôt, son père partit pour l'Egypte puis le Soudan où il travailla auprès des Britanniques. L'anglais fut donc forcément la langue familiale de ma mère. Néanmoins, par sa propre mère, elle acquit aussi le français, que ma grand-mère tenait de sa scolarité francophone au Caire. Quant à l'arabe, mes grands-pa