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Libération
Interview

Katia Haddad est titulaire de la chaire Senghor de la francophonie à l'USJ.

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«L'émergence du sujet»
publié le 16 mars 2006 à 20h37

Que peut-on dire de la variété de français parlés au Liban ?

D'abord, il y a des différences phonétiques, mais je pense qu'aujourd'hui les Libanais les assument entièrement. Psychologiquement, cela signifie : cette langue est la nôtre, il est donc normal qu'elle soit modifiée par nous. Il y a les «r» roulés, des structures et des mots qui viennent de l'arabe. Il fut un temps où il fallait distinguer entre le français standard et le français libanais, nous ne nous posons plus la question. Nous n'avons plus aucun scrupule à faire des emprunts à l'arabe, que ce soit le dialectal libanais ou l'arabe littéraire.

Quel est le rapport des Libanais à la langue française ?

Ça n'a rien à voir avec ce qu'on a pu voir dans la littérature algérienne francophone. Il y chez les Algériens une relation réellement douloureuse à la langue française. Pour nous, ça n'est pas le cas. J'irai même plus loin : c'est grâce à l'existence d'écoles francophones sous l'Empire ottoman au début du XIXe que les Libanais de la montagne ont eu accès à leur langue, l'arabe. Dans les villes, les écoles n'étaient ouvertes qu'aux fils de riches. En dehors des villes, l'Empire ottoman avait interdit d'ouvrir des écoles, seules les missions religieuses britanniques et françaises y étaient autorisées, et ces missions ont eu l'intelligence d'enseigner l'arabe à côté du français et de l'anglais. C'est grâce à elles que les enfants de paysans ont appris à écrire et à lire leur langue. Dans notre mémoire collective, la rela