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Adoptés contre leur gré Enfants créoles perdus dans la Creuse

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En 1966, 300 Réunionnais ont été arrachés à leur île pour repeupler la région.
publié le 13 juillet 2007 à 8h49

Paru le 4 juillet 2001

Nous sommes le 20 janvier 1966. Sur une pleine page, la Montagne rapporte l'inquiétude du conseil général de la Creuse à la lecture du dernier recensement. Le directeur régional de l'Insee a même été convoqué pour expliquer «ce chiffre énorme de la perte provisoire de 8 000 habitants en deux ans». Le 31 mars suivant, Paul Pauly, le président de l'assemblée départementale, lance «un véritable SOS». Trois mille jeunes de 18 à 25 ans quittent la Creuse chaque année. «Il faut rechercher ailleurs une autre médication [...] pour stopper l'hémorragie», tonne l'orateur, qui promet d'alerter le président de la République, Charles de Gaulle. A 10 000 kilomètres de là, dans ce lointain département de l'océan Indien où Michel Debré vient d'être élu député, deux enfants jouent près des cannes à sucre. Debré, parachuté sur ordre du Général, a un credo obsessionnel pour l'île : combattre la surnatalité. Mais Jean-Jacques et son copain sont loin de cette préoccupation. Leur souci, le souci de la douzaine de gamins vivant ensemble chez une même nourrice, c'est «la 2 CV camionnette». La voiture qui vient prendre les enfants pour les emmener on ne sait où. «Quand on entendait ce bruit de moteur bien caractéristique, on courait se cacher dans les cannes. La plupart du temps, c'était le facteur.» Sauf ce jour d'avril 1966. La Ddass est là. Avec un papier signé du secrétaire général de la préfecture. «L'enfant Martial Jean-Jacques, né le 27/05/1959 à Saint-André (de La