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Escapade

A Budapest, une entrevue entre Emmanuel Todd et Viktor Orbán sur le «déclin de l’Occident»

Le Premier ministre de la Hongrie a partagé sur son site et ses réseaux sociaux sa rencontre du 7 avril avec l’anthropologue et historien français.
Emmanuel Todd en 2022 à Paris. Viktor Orbán le 3 avril 2025 à Budapest. (Joel Saget. Attila Kisbenedek/AFP)
publié le 11 avril 2025 à 16h37

Riche séquence pour Viktor Orbán. Jeudi 3 avril, le Premier ministre hongrois a profité de sa rencontre avec Benyamin Nétanyahou à Budapest, la première visite du Premier ministre israélien dans un pays de l’Union européenne depuis que la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt à son encontre pour crime de guerre et crime contre l’humanité, pour annoncer qu’il allait se retirer de cette instance internationale. Quatre jours plus tard, le leader populiste hongrois, qui a fait de son pays un laboratoire de la «démocratie illibérale», une doctrine rejetant l’Etat de droit, l’immigration ou les droits des minorités sexuelles, s’offrait un tête-à-tête avec l’anthropologue et historien Emmanuel Todd. L’entrevue, immortalisée par une photo, a été mise en scène par le dirigeant nationaliste sur son site et ses réseaux sociaux.

Sur X, Viktor Orbán a loué le travail «d’une grande valeur» du penseur français, classé à gauche et connu pour ses positions souverainistes. «Nous avons parlé du déclin moral et sociétal de l’Occident, une tendance qui aura des conséquences dramatiques, a commenté le Premier ministre. Selon lui [Emmanuel Todd], la Hongrie se distingue en restant ferme dans sa souveraineté et en résistant aux pressions extérieures.» Emmanuel Todd a ensuite donné une conférence intitulée «L’Europe à la croisée des chemins» lors d’un événement organisé par le 21st Century Institute et la Civic Hungary Foundation. Cette dernière est la fondation politique du Fidesz, le parti d’extrême droite présidé par Viktor Orbán. Le 31 mars, la fondation réagissait à la condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité de cinq ans sur X : «Nous sommes avec vous Marine Le Pen !» Le même jour, Viktor Orbán y allait aussi de son post : «Je suis Marine !»

Relais de la propagande du Kremlin

Au pouvoir depuis 2010, Viktor Orbán embarrasse l’Union européenne en faisant cavalier seul au sein de ses 27 membres, notamment face à Donald Trump et Vladimir Poutine, avec lesquels il se montre en phase. Sur le plan national, il s’emploie à réduire l’indépendance des médias et a récemment fait interdire la Marche des fiertés pour défendre les droits des personnes LGBT+. Emmanuel Todd, essayiste anti-américain, anti-euro, a publié il y a un peu plus d’un an La Défaite de l’Occident (Gallimard), un essai relayant la propagande du Kremlin, en particulier sur son action militaire en Ukraine et la «stabilité» de l’économie russe. Ainsi, la politique du premier et les thèses du second convergent dans une même critique de la mondialisation libérale et des institutions européennes qui saperaient les valeurs traditionnelles. D’où l’idée de «déclin moral et sociétal de l’Occident» au cœur de leur discussion.