Ce fut une longue quête, faite de séduction et de dérobades. Un après-midi d’été, on croise François Sureau sur un trottoir de la rue de Varenne, dans le VIIe arrondissement parisien. Il marche sans but défini, comme après chaque effusion d’écriture, continuant à malaxer son texte du ciboulot, flanqué de son imposant bouvier bernois, Cartouche, et de sa pipe. On l’interrompt pour lui exposer ce que l’on vit comme un mystère, une bizarrerie. Lui qui apparaît sur le tard comme le grand défenseur moderne des libertés publiques, le rhéteur le plus acerbe contre la justice antiterroriste, est absent des pages de Libération depuis plus d’une décennie. Il s’en étonne élégamment, jure qu’il faut n’y voir qu’une impasse inconsciente – certaines perches étaient tout de même restées lettre morte –, et argue qu’il est plongé dans les archives du renseignement, à l’époque où de médiocres agents pistaient Victor Hugo lors de son exil à Guernesey. L’épisode doit former un chapitre de mémoires annoncés pour mars 2024. Peu de personnes sont alors dans la confidence. Chiche qu’on se reparle ?
La suite s’écrit de manière erratique au gré de palabres et de gueuletons. Il y a d’abord eu le Cavalier, un bar dont s’occupe son épouse Ayyam, près de la place de la République. L’avocat de 66 ans, costume sombre, barbe blanche bien taillée, y vibrionne entre cailles farcies, fines à l’eau, «la boisson du général de Gaulle» – composée de cognac et d’eau gazeuse –, érudition et coups de cut