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Libération
Entretien

Anna Tsing : «Toutes les formes de reconnexion entre les humains et la terre sont importantes, même si elles ont lieu sur un rooftop»

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Témoin de la violence du trumpisme, l’anthropologue américaine défend une approche de la crise écologique par l’étude de situations locales, des «patchs», dans lesquels la biodiversité est menacée sous l’effet des activités humaines. Heureusement, il existe aussi des lieux refuges, à défendre absolument.
Des jacinthes d'eau recouvrant la rivière Citarum à Bandung (ouest de Java, en Indonésie), le 4 juin 2025. (Timur Matahari/AFP)
publié le 27 juillet 2025 à 6h52

Mer Noire, 1989. Sous l’eau, la surpêche et le déversement d’effluents liés à l’agriculture intensive font baisser drastiquement le nombre de poissons. Introduite par des navires de commerce international qui y larguent des eaux venues d’ailleurs, une espèce de méduse finit de prendre leur place. Il faudra attendre l’arrivée tout aussi accidentelle d’une autre méduse se nourrissant des précédentes pour que le milieu retrouve une certaine diversité.

Pour l’anthropologue américaine Anna Tsing, qui a acquis une notoriété en France en 2017 avec son livre le Champignon de la fin du monde. Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme (la Découverte), ce cas d’étude est ce qu’on appelle un «patch» : un espace de taille relativement restreinte (la mer Noire fait figure d’exception) qui est le théâtre d’une crise écologique, voire d’effondrements. La déstabilisation des écosystèmes y est généralement amorcée par deux éléments. L’un est l’arrivée fortuite d’une espèce animale ou végétale - des espèces dites férales. L’autre est la présence des infrastructures du monde capitaliste : navires de commerce, barrages et autres plantations intensives transforment les paysages et bousculent les équilibres naturels.

Dans Notre Nouvelle nature. Guide de terrain de l’anthropocène (Seuil), le dernier livre qu’elle publie avec ses trois collègues Jennifer Deger, Alder Keleman Saxena et Feifei Zhou, traduit par Philippe Pignarre et par Isabelle Stengers, Anna Tsing