Dans sa première interview à Libération, la nouvelle ministre de l’Education nationale, Anne Genetet, affirme pouvoir prouver sous peu «qu’en bossant sur les dossiers, on développe des compétences». Elle qui se disait animée par l’humilité lors de la passation de pouvoir (succédant à Nicole Belloubet, pour qui aurait perdu le fil), s’avoue aujourd’hui «consternée» par les critiques virulentes qui ont suivi. On peut toujours compatir, car on frémit à la lecture des propos de ceux qui ont croisé son chemin politique par le passé et témoignent auprès de Libération de leur expérience. Visiblement, la ministre n’a pas beaucoup d’amis, ce qui en politique peut se révéler fatal. Né d’une impulsion civile antisystème, le macronisme se dégonfle sous nos yeux comme une baudruche du tout-politique. Il a fallu caser celui-ci, acheter le silence de celui-là et l’Education nationale est si peu considérée qu’on peut y mettre toute personne qui ne fâche pas trop l’autre camp. Toute personne, et ce fut Anne Genetet, qui n’est que la triste illustration de cette dérive. D’après Suétone, l’empereur romain Caligula nomma son cheval au poste de consul, image devenue classique de la victoire de la politique sur la compétence. Genetet est la 36e ministre de l’Education sous la Ve République et il est probable que certains de ses prédécesseurs étaient tout aussi inadaptés qu’elle. Mais son atterrissage – on est tentés d’y voir un alunissage – rue de Grenelle tombe au pire moment, quand les professeurs et les parents d’élèves sont à cran après des séries de réformes qui n’ont amélioré en rien le statut de l’école publique, et quand le niveau mondial des élèves français ne cesse de baisser. Nos attentes étant au plus bas, Anne Genetet ne peut que surprendre. Mais si on connaît le sort de Caligula, l’histoire n’a pas retenu ce qu’il advint de son cheval.
L'édito de Dov Alfon
Anne Genetet, un alunissage à l’Education nationale au pire des moments
Anne Genetet dans son bureau au ministère de l'Education nationale, à Paris, le 2 octobre 2024. (Denis Allard/Libération)
par Dov Alfon
publié le 4 octobre 2024 à 20h32
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